– Santé mentale –

La colère

[dernière partie] Devenir parent et accueillir un (ou plusieurs) bébé est une expérience forte en émotions et en rebondissements. Au cours des derniers mois, nous avons exploré les différentes émotions souvent jugées taboues ou vues négativement : la culpabilité, la déprime et la déception. Pour ce dernier article, nous abordons la colère. 

À vrai dire, il s’agit de l’émotion à laquelle nous tenions le plus à aborder, mais aussi de l’article ayant été le plus complexe à écrire. Tout d’abord, parce qu’il s’agit de l’émotion jugée la plus taboue lorsqu’elle est vécue par une femme (le fameux mythe de la femme « hystérique »), mais aussi parce qu’il s’agit d’un sujet fréquemment abordé par plusieurs professionnelles géniales.

Donc, plutôt qu’aborder les manifestations de la colère, communément appelées le « mom rage », nous aborderons plutôt les bénéfices potentiels de la colère et la place de la créativité avec la colère. Oui, oui, vous avez bien lu.  Il peut y avoir des avantages à la colère si elle est mobilisée dans des conditions favorables permettant l’autorégulation. L’autorégulation, c’est lorsqu’une personne ressent une émotion (un réflexe involontaire tout à fait normal), celle-ci y prête attention et l’identifie. Ensuite, elle identifie son besoin non comblé, puis elle identifie un moyen jugé adéquat de combler son besoin. C’est ici qu’on peut user de créativité, si on le souhaite et si nous avons la disponibilité pour le faire.

Limites de cet article

Avant de poursuivre, nous tenons à souligner qu’il s’agit d’un article à visée informative proposant une nouvelle paire de lunettes pour voir la colère de manière moins ‘’négative’’. Il ne s’agit aucunement d’une énième tâche à mettre sur vos épaules pour être un parent parfait (parce que ça n’existe pas). De plus, il se peut que vous viviez une situation rendant difficilement applicable l’autorégulation sans aide externe – par exemple si vous vivez des symptômes d’épuisement professionnel/parental ou dépressif sans aide extérieure. Il est également observé que les personnes neurospicy (neuroatypique, comme le TDAH,  un TSA, un trouble d’apprentissage, etc.) peuvent vivre des défis d’autorégulation plus importants. À garder en tête! D’ailleurs, est-ce réaliste de pouvoir autoréguler ou rendre sa colère créative en tout temps? Non, et ce, même avec beaucoup de volonté. Cet article vise à être un outil dans votre valise, pas à être une demande supplémentaire. 

Concrètement, à quoi ça peut ressembler l’autorégulation ou l’utilisation de la créativité face à de la colère?

 

En gros, ce qu’il faut retenir, c’est que selon le contexte et la disponibilité, la même personne peut réagir différemment face à son émotion : soit accueillir son émotion pour la comprendre ou la rejeter, mais aura inévitablement à l’exprimer d’une manière ou d’une autre. On ne peut pas contrôler ses émotions (pas plus qu’on peut volontairement faire cesser notre cœur de battre), par contre, il est possible d’apprendre à faire l’autorégulation de ses émotions. 

Exemple 1 : si la source de ma colère est mon enfant qui me frappe en disant « gros caca toi », il se peut que je choisisse de rejeter temporairement mon émotion pour ne pas lui répondre  «  c’est toi le gros caca »  et que je rumine dans ma tête que j’ai donc hâte que mon enfant dorme. Une fois endormi,  je discute avec mon conjoint que la soirée à été difficile (expression). Par contre, si je crois qu’une bonne mère n’est jamais fâchée contre son enfant, je vais probablement garder pour moi ma frustration et la ruminer dans ma tête. Ça peut en rester là, ou non. 

Si c’est la 6e soirée où le même scénario se répète, ça se peut qu’il soit pertinent que je réfléchisse à mon besoin à la source de ma colère envers mon enfant. Il se peut que j’identifie que mon besoin est de me sentir compétente comme parent. 

Une action de mobilisation pourrait être d’aller lire sur le développement de l’enfant. Je pourrais donc lire que c’est une phase normale du développement de l’enfant de tester les limites, parce que les enfants sont de petits scientifiques qui doivent tester une théorie à plusieurs reprises avant de la considérer comme valide, c’est-à-dire que quand je frappe maman et l’insulte, elle va réagir de la même manière. Ça fait donc du sens, bien que ça ne rende pas le travail de cobaye toujours agréable, n’est-ce pas? 

Quant à une action de mobilisation créative, ça pourrait être de créer un mème et le partager avec des amies qui vont me répondre en coeur « OMG, mon enfant est pareil ». Ça valide donc que mes aptitudes parentales sont probablement adéquates malgré les difficultés rencontrées (comble mon besoin), tout en ajoutant une petite dose de dopamine (hormone du bonheur).

Exemple 2 : la colère peut également être un moteur puissant pour reprendre du pouvoir face à une injustice d’apparence insurmontable. Pour ne citer qu’un exemple, la colère de Myriam Lapointe-Gagnon est un exemple concret de mobilisation faisant preuve de créativité. Alors qu’elle était à la recherche d’une place dans un milieu de garde pour son bébé, elle a été confrontée à la pénurie de place dans sa région. Elle s’est exprimée sur un groupe en ligne et a été validée dans ses difficultés par d’autres parents. Cette colère partagée à contribué à la création de l’organisme Ma place au travail, le premier OBNL donnant enfin une voix aux parents qui, comme elle, ont été confrontés à des difficultés pour trouver un milieu de garde et dû mettre sur pause leurs projets professionnels. Cet organisme est maintenant régulièrement présent à l’Assemblée nationale pour défendre les intérêts des parents de tout-petits, mais également pour la qualité des services en milieux de garde. 

Exemple 3 : Pour d’autres, face aux difficultés de conciliation travail-famille et des attentes inflexibles d’employeurs, de nombreuses mères vont faire chaque année le choix de devenir travailleuses autonomes ou entrepreneures pour être en plus grand contrôle de leur horaire de travail. 

Bref, ce qu’il y a à retenir, c’est que malgré qu’elle soit souvent vue négativement, la colère peut aussi être un mécanisme contribuant à votre bien-être.

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