Comment faire la paix avec son accouchement : quelques réflexes pour faire le deuil de son accouchement idéal

Par Marilou Lévesque, travailleuse sociale à la clinique Matrescence

Devenir mère s’accompagne nécessairement de la rencontre avec sa puissance féminine lors de l’accouchement. La grossesse, tout comme l’accouchement, seront imaginés et construits dans l’imaginaire de la mère. L’idée de cette expérience inconnue et unique se basera sur le vécu de notre entourage, sur les idées préconçues auxquelles nous sommes exposées, sur les lectures que nous ferons, sur nos valeurs et sur les courants de pensée actuels.

Cet ensemble de facteurs internes et externes formera les bases d’un accouchement idéalisé. Certaines femmes iront jusqu’à investir beaucoup de temps et d’argent dans la mise en place de moyens afin de favoriser l’atteinte de cet accouchement idéal. Elles consulteront des physiothérapeutes périnéales, des ostéopathes, des chiropraticiens, des acupuncteurs. Elles suivront des cours prénataux et auront recours à des doulas. Mais il est crucial de se rappeler que, malgré tous les investissements financiers, en temps et en énergie, et même s’il y a toute la volonté du monde, l’accouchement a un caractère imprévisible. Très peu de femmes auront la chance de vivre un accouchement idéal, malheureusement.

Dans la société actuelle, l’aspect de la performance revêt une grande importance. Certaines femmes vont transposer ce besoin de performance sur leur accouchement. C’est à ce moment que peut survenir un sentiment d’échec si les choses ne se passent pas comme souhaité. Tout au long de la préparation à la naissance de notre enfant, il est primordial de garder en tête qu’un accouchement peut être bien des choses, mais certainement pas une situation où l’emphase devrait être sur la performance. Un accouchement, c’est imprévisible et c’est aussi une expérience qui est vécue de manière totalement subjective. Ainsi, l’accouchement parfait de l’une pourrait être vécu très différemment par une autre, d’où l’importance de ne pas comparer cette expérience.

Un deuil, ce n’est pas qu’un décès : c’est aussi un sentiment de perte

Le fait de ne pas vivre cet accouchement tel qu’il était souhaité peut générer une culpabilité, une déception, de la colère, de la tristesse, un sentiment d’échec… des émotions qui peuvent être ressenties en contexte de deuil. En effet, le deuil n’est pas uniquement relié à la mort, il peut également être associé à la perte. Dans ce cas-ci, la perte de l’accouchement idéal. Ce sentiment est totalement valide et plus répandu que ce que l’on peut croire. Ce sentiment d’échec est généré par une dissonance entre les attentes de la femme et la réalité de l’accouchement vécu. Ce sentiment est fréquemment associé à la douleur ressentie ou encore à la gravité des complications rencontrées. Toutefois, il est très répandu que le manque d’accompagnement pendant l’expérience vécue et le sentiment de perte de contrôle que cela génère soient la véritable origine de la détresse ressentie par les femmes lorsqu’elles pensent à leur accouchement. Les émotions et les sentiments vécus pendant cette période de transition majeure, ainsi que la manière dont la situation est perçue, ont un impact considérable sur l’expérience de la femme et du couple après l’accouchement.

Comprendre ses émotions sans se comparer

Si tu as vécu un accouchement qui n’était pas à la hauteur de tes espérances, il est possible que tu passes à travers une vaste gamme d’émotions telles que nommées plus haut. Il est également possible que tu sois en quête d’un coupable, ou encore que tu te sentes toi-même coupable et responsable, de vivre avec le sentiment de ne pas avoir été à la hauteur et avoir l’impression d’être passée à côté de l’expérience de la naissance de ton enfant. Tout ce raz-de-marée d’émotions peut être un facteur de risque pour des complications au niveau de la santé mentale post-partum, telles que la dépression et l’anxiété post-partum ou même le développement d’un stress post-traumatique en lien avec ton accouchement. Tu peux aussi être envahie par un sentiment de jalousie à l’égard des autres femmes qui ont vécu un ‘’bel’’ accouchement, selon tes propres standards. Tu peux aussi t’en vouloir de ressentir de l’amertume par rapport à ton accouchement, de trop y penser, de te sentir affectée par ton expérience au point de ne pas flotter sur un nuage de bonheur et de ne pas profiter pleinement de ta vie avec ton nouveau-né « comme tu le devrais ».

Il est important de mentionner que, pour certaines femmes, la réalisation de cette amertume et les difficultés découlant de l’accouchement ne surviennent pas immédiatement après l’accouchement. Certaines vont inconsciemment éviter ce qu’elles ressentent pour se concentrer sur l’accueil du nouveau-né et l’adaptation à la parentalité. D’autres femmes ne réaliseront ce ressenti qu’une fois confrontée à un autre accouchement, à l’annonce d’une grossesse suivante, où alors l’idée de l’accouchement devient génératrice d’une peur envahissante qui entraîne un stress constant tout au long de la grossesse. Aussi, pour certaines femmes, c’est l’accouchement dans son ensemble qui aura été décevant alors que, pour d’autres femmes c’est plutôt une ou plusieurs parties de l’accouchement qui génèrera une amertume qui peut être sujette au sentiment de deuil.

Ton ressenti est valide. Il n’y a pas de manière correcte ou incorrecte de gérer ce que tu vis. Certaines femmes auront besoin de parler, alors que d’autres femmes auront d’abord besoin de temps pour digérer tout ce qu’elle traverse. La meilleure façon de traverser un deuil, c’est la tienne, celle qui te fait du bien, car chaque deuil est unique.

Il y a tout de même de grandes lignes visant le cheminement dans le processus de deuil. Tout d’abord, permets-toi le droit de ressentir et de vivre tes émotions. Reconnaître ses émotions favorise l’acceptation et le processus de deuil, mais également la reconnaissance de vos besoins durant l’accouchement. Surtout, ne banalise pas ces émotions : verbalise ce que tu ressens pour mettre des mots sur l’invisible, mais aussi à ce que tu ressens ici et maintenant.

En reconnaissant le caractère imprévisible de l’accouchement, tu pourras parvenir à mettre fin à ta quête d’un coupable. Avec le temps, quand tu te sentiras prête, valorise les aspects positifs et les bonnes décisions de ton accouchement. Finalement, de faire un retour avec le professionnel qui a fait ton suivi de grossesse, un professionnel en périnatalité ou encore échangé avec des femmes qui ont vécu une situation similaire peut te permettre une introspection, un cheminement et être très bénéfique. Si tu sens que ce que tu as vécu devient envahissant et prend trop de place, n’hésite pas à aller chercher de l’aide, ton besoin est valide et la capacité de faire une demande d’aide est une grande force.

Comprendre ses émotions sans se comparer

Je veux également consacrer un petit paragraphe pour l’entourage d’une maman qui traverse ce type de deuil. En toute bienveillance et certainement dans le désir de protéger et d’aider, certaines personnes vont prononcer des phrases maladroites et contribuant à invalider les émotions, telles que: ‘’ton bébé va bien’’, ‘’tout est beau, profite du moment’’, ‘’oublie l’accouchement, l’important c’est que tout le monde aille bien’’, etc. Bien que ces phrases se veuillent réconfortantes et orientées vers le positif, elles ont plutôt l’effet d’invalider le partage de leurs émotions, mais également de laisser sous-entendre qu’elles ne sont pas normales de vivre des émotions négatives. Alors, qu’au contraire, les émotions négatives sont complètement normales! Lorsqu’une maman vit des émotions négatives, son besoin est d’être entendue, de recevoir de l’empathie et du soutien. Un accouchement, ce n’est jamais banal. Un accompagnement bienveillant après un deuil ou un trauma de naissance, c’est essentiel.

Est-ce qu’il est possible de vivre un stress post-traumatique suite à un accouchement?

Un accouchement vécu difficilement peut également être traumatique en présence de symptômes de stress post-traumatique. En effet, faire des cauchemars récurrents en lien avec ce que tu as traversé, avoir des ‘’flashbacks’’, être particulièrement irritable, en état d’hypervigilance, vivre des difficultés de concentration importantes ou des difficultés à s’attacher à son bébé peut indiquer une complication au niveau de la santé mentale. Au-delà d’un diagnostic, l’important, c’est de recevoir un accompagnement pour aller mieux. Les professionnelles formées et adoptant une approche non culpabilisante peuvent te soutenir à faire un plan de match pour aller mieux. 

Par contre, avoir vécu un accouchement traumatique n’implique pas nécessairement que tu vis un stress post-traumatique. Cela représente tout simplement ton ressenti de ce que tu as vécu. L’utilisation de ce terme est valide, peu importe ce qui s’est passé, car c’est la perception de ton expérience qui en définit le caractère traumatique. Il ne faut pas avoir peur d’utiliser les mots justes afin de qualifier ce que tu traverses.

comment vivre plus sereinement sa maternité ?

La vision que tu as de ton accouchement et de toi-même suite à ce que tu as vécu peut teinter ton sentiment de compétence dans ton rôle de mère et avoir un impact important sur la qualité et le vécu de ta période postnatale. Garde en tête que la tournure de ton accouchement ne définit en aucun cas tes capacités maternelles et que tu peux être une excellente maman malgré un accouchement qui diffère de ce que tu as souhaité, car l’accouchement n’a jamais reposé qu’entre tes mains, il y a de multiples facteurs hors de ton contrôle qui ont conduit à ce que tu as vécu.

Je souhaite conclure en nommant que l’accouchement est une expérience unique que l’on n’a pas la chance de vivre souvent dans une vie. Tu as le droit d’être déçue et amère face au déroulement de celui-ci. Tu as le droit de vivre un deuil, c’est tellement valide et surtout plus répandu que tu ne le crois. Donne-toi le droit de traverser ce processus et de vivre ce que tu as à vivre dans la douceur et la bienveillance. Le temps sera ton allié et plus celui-ci filera, plus tu apprendras à accepter ce que tu as vécu comme une partie de votre histoire et tu en sortiras grandi.

Je t’invite à être douce avec toi-même.

 

Vous vivez des difficultés et vous avez besoin d’aide?

Il n’est actuellement pas possible de prendre rendez-vous avec Marilou, puisqu’elle est en congé de maternité.