– Sexualité – 

Avez-vous déjà entendu parler du concept de «dette sexuelle»?

Non?

Vous n’êtes pas seul.e puisque c’est encore un phénomène peu connu! La dette sexuelle est une vision que des activités sexuelles sont une suite logique à poursuivre afin de répondre à une norme sociale (une soirée romantique, un mois sans activité sexuelle, l’autre à des besoins sexuels devant être comblés, etc.). La personne participe donc à des activités sexuelles sans en avoir le désir parce qu’elle ressent des émotions négatives à l’idée de se retirer de la situation (notamment une impression de ne pas remplir sa part du contrat ou ses devoirs conjugaux). Elle peut d’ailleurs être vue comme une logique de redevabilité 1. Ce phénomène est malheureusement très commun : 53% des femmes sondées et 23% des hommes sondés ont déjà consenti au moins une fois à un rapport sexuel sans en avoir envie 2.

Attention : la dette sexuelle n’est pas une agression sexuelle! La personne perçoit qu’elle doit s’impliquer volontairement dans des activités sexuelles pour répondre à une norme ou à des attentes. Si celle-ci « cède » à des demandes répétées, est prise par surprise, sent que sa sécurité est menacée ou si elle n’est pas en état de consentir (ex. sous l’influence d’un médicament, sous influence ou si elle dort), il s’agit d’une agression sexuelle. Si vous vous sentez dans cette position, vous pouvez nous en parler.

Pour en savoir plus découvrez notre atelier sur la dette sexuelle.

Comment est-ce que le phénomène de la dette sexuelle est alimenté?

Il est difficile de nommer une source principale, puisque le phénomène est alimenté par plusieurs sources en interaction :

  • Historique : saviez-vous qu’au Canada, ce n’est que dans les années 1980 que l’agression sexuelle entre époux est maintenant criminalisée? Avant cela, il était impossible pour une femme mariée de faire reconnaitre son droit à consentir à des activités sexuelles. C’est d’ailleurs pour cette raison que de nombreuses personnes nomment la sexualité en tant que « devoir conjugal ». Une partie s’explique donc que ce devoir conjugal par une obligation légale n’ayant été abolie que très récemment.
  • Social : les réseaux sociaux, qu’ils soient en ligne ou en personne, ont un impact sur la vision de la sexualité. Pensons notamment à toutes les « blagues » douteuses qui circulent lorsqu’une femme refuse des activités sexuelles après que l’homme ait fait un cadeau dispendieux ou bien l’expression péjorative de la femme qui « la femme qui fait l’étoile » pendant le sexe en attendant que le rapport soit terminé.
  • Socialisation : la sexualité, ça débute dès la naissance, notamment via l’éducation différente offerte aux garçons et aux filles. En effet, les attentes comportementales sont généralement distinctes : par exemple, il est plus souvent attendu d’un garçon que celui-ci soit actif et fonceur, alors qu’il est plus souvent attendu d’une fillette d’être douce et serviable. Une fois à l’âge d’intérêt, les besoins sexuels sont surtout normalisés pour les hommes et ceux des femmes sont généralement associés à une fonction précise (contraception et grossesse, tendresse et soutien, etc.).
  • Interactionnel : de nombreux couples adoptent une vision dite égalitaire de leur relation de couple par un échange de services envers l’autre, englobant ainsi les activités sexuelles. D’autres peuvent également avoir des rapports suite à un conflit pour se réconcilier. À leurs débuts, pendant la phase de lune de miel et de nouveauté, certains couples vont adopter des comportements de séduction se traduisant par des cadeaux et des attentions qui se concluent par des activités sexuelles. Toutefois, ces dynamiques peuvent se transformer en attentes et adopter ces stratégies afin d’obtenir des activités sexuelles, comme une transaction.
  • Personnel : pour le partenaire, généralement ayant un plus faible désir, l’initiative de l’autre peut alors générer des émotions négatives, comme la peur de perdre l’autre, une vision négative de soi et de sa propre sexualité, une impression d’être redevable, vouloir plaire à l’autre ou craindre que l’autre aille voir ailleurs.

Pourquoi est-ce que c’est une norme problématique?

Parce qu’une vie sexuelle satisfaisante, ça passe par un consentement libre et éclairé. De plus, la normalisation de l’association du sexe à une valeur marchande et transactionnelle est problématique, parce qu’elle nuit fortement au désir à long terme.

Vous vivez des insatisfactions face à votre vie sexuelle? Nous vous suggérons de prendre rendez-vous auprès d’un.e professionnelle en santé mentale afin de vous proposer des solutions appropriées.

    Sources :

    1 Myrian Carbajal, Annamaria Colombo et Marc Tadorian, « Consentir à des expériences sexuelles sans
    en avoir envie », Journal des anthropologues [En ligne], 156-157 | 2019, mis en ligne le 01 janvier 2022,
    consulté le 07 janvier 2022. URL : http://journals.openedition.org/jda/8244 ; DOI : https://doi.org/
    10.4000/jda.8244
    2 Barrense-Dias Y, Akre C, Berchtold A, Leeners B, Morselli D, Suris J-C. Sexual health and behavior of young people in Switzerland. Lausanne, Institut universitaire de médecine sociale et préventive, 2018 (Raisons de santé 291). p.79-80